Ah ah ah… bonne question !

Désolé mais je n’ai pas de réponse définitive à ce sujet. Toute fois j’ai quelques pistes.

J’écris depuis l’adolescence. J’écris en dépit. En dépit de ce qui ressemble fort à une vilaine dyslexie, mais qui à défaut d’un diagnostic fait par un professionnel peut être qualifié tout simplement d’une orthographe catastrophique et de quelques égarements syntaxiques. Au départ c’était juste des journaux intimes cachés bien soigneusement entre deux gros volumes dans ma bibliothèque. En dehors des explorations de ma psyché et de mes émois adolescents c’était des fiches de lecture et quelques tentatives poétiques. Il m’a fallu presque vingt ans pour oser tenter quelque chose de plus narratif puis enfin quelque chose de fictionnel.

Quand un jeu de mot à méchamment dérivé pour commencer à prendre la forme d’un roman, j’ai eu envie de prendre mes aises, d’écrire tout ce qui me passait par la tête, sans la moindre censure. La page était un terrain de jeu. J’ai écrit démiurge comme si c’était mon premier et mon dernier. C’était une blague potache, un cri rageur et deux majeurs à mes profs de français, collège et lycée. J’avais une tonne de trucs qui m’étaient restés en travers de la gorge et il fallait que ça sorte. C’était naïf, c’était brusque et brutal, un rien régressif, tout à fait moi et en même temps un moi que je n’assumais pas. J’ai donc décidé de ma cacher. J’ai pris mon second prénom et le nom de jeune fille de ma mère : Samuel Abibou.

Le désir violent de liberté a tendance à s’essouffler quand il ne rencontre plus de frustration sur son chemin. A la deuxième relecture de Demiurge, la provoc régressive s’était essoufflée ou presque, et il en allait de même pour le caractère ordurier du langage, et l’aspect violent de l’action. Peut-être que j’aurai dû à ce moment-là choisir mon nom pour la première impression, avec le recul c’est ce que je me dis. Mais à l’époque garder ma liberté éditoriale était ma première priorité.

Je me suis tellement amusé derrière mon clavier, qu’avant même que « Démiurge » soit publié (publié comme dans auto-publié !) j’ai enchainé avec un deuxième « le sel de la terre », puis un troisième… Pendant huit ans j’ai foncé comme ça, le nez dans le guidon, écrivant un livre par an.

Issue d’une séance photo avec Nicolas Dumas à l’époque où j’entamais « les idoles brisées » mon troisième livre.

Pendant ces années j’ai découvert les joies des ateliers d’écriture, en tant que participant puis en tant qu’animateur. C’est une pratique qui a informé ma réflexion et mon style.

A défaut d’avoir trouvé la gloire et l’argent, l’écriture m’a changé. Elle m’a travaillé autant que moi je l’ai travaillé. Elle m’a organisé, elle m’a clarifié, elle m’a permis de lâcher des choses que je tenais depuis bien longtemps et ainsi déchargé m’a ainsi permis d’aller de l’avant d’un pas plus léger.

Maintenant je vois l’écriture autant comme un loisir ébouriffant, qu’un moyen de connecter avec notre nature « divine »/créatrice et un formidable outil thérapeutique.