Ça doit bien faire quatre ans que je n’ai pas fait de vélo, et encore à l’époque j’avais un VTC (vélo tout chemin) et je ne faisais que de la ville avec, alors quand M m’a proposé de faire du VTT avec lui j’ai été tout de suite conquis par l’idée. Ce qui est bien c’est qu’il avait préparé l’intinéraire, il me prétait même son ancien vélo, l’équipement (casque, cycliste, tshirt et veste spécialement conçues pour évacuer la sueur),  j’étais pris en charge, je n’avais plus qu’a pédaler.  

            Le plaisir de la ballade a vite tourné court, mes chaussures glissaient sur les mini pédales, les descentes sur des chemins rocailleux étaient super pénibles (pas d’amortisseur), et j’ai touché le fond quand j’ai commencé à m’enliser. En certains endroits une fine couche de terre recouvre les cailloux, en d’autre il n’y a aucun support solide dessous, et quand il pleut bien ça donne une boue impraticable. L’astuce c’est quand on sait repérer les zones à risque, on essaye de rouler sur les talus herbeux, c’est sympa d’avoir de l’expérience mais quand on n’en a pas on se retrouve à faire du deux à l’heure dans un équilibre précaire, avec les roues doublée en volume par la terre agglomérée. Quand j’ai compris que j’avais tout à gagner à rouler sur le bord, les choses ont empirée, car il y avait de la paille coupée et je me suis retrouvé à cheval sur un gros bloc de torchis. J’étais excédé, maudissant ciel et terre, M , son itinéraire, le vélo etc … c’était un ouragan dans ma tête, entre la gêne d’être un tel boulet pour la ballade et le ressentiment contre la providence qui m’avait collé dans cette galère , sans préparation. M me donnait des conseils, mais bien que techniquement sa voix portait jusqu’à mon tympan, je ne comprenais un mot de ce qu’il me disait.

            J’ai commencé à me calmer et concentrer mon attention sur les causes sous-jacentes de cette épreuve, et à dresser des parallèles entre ma situation d’échec présente et celle que rencontraient certains de mes élèves en mathématiques. Ça m’a permis de ne pas me laisser emporter par ma mauvaise humeur et de me comporter de manière polie avec M.

            On a fini par sortir du chemin de terre pour rejoindre le macadam, j’étais vidé de mon énergie et de ma motivation, maintenant même des petites montées simples me posaient problème.

 

            Je pense que cette ballade ne m’a pas vraiment remis en selle, au contraire mon envie de faire du VTT cet été se trouve amoindrie. Je pense que si on ne prend pas en compte certains points nos séquences pédagogiques peuvent avoir le même effet sur la motivation des élèves. Je me suis posé deux questions quand j’étais sur le vélo : Comment éviter que l’apprenant se sente en échec ?  Et si malgré nos efforts il se trouve quand même dans cette situation comment limiter la casse et le sortir du cercle vicieux ?

 

 

            Les réponses que j’ai trouvées ne sont pas révolutionnaires, ce sont juste des petites astuces et a mon avis tout le monde les connaît, le soucis c’est qu’elle ne sont pas tant appliquées que ça.

 

Mieux vaut prévenir ….

            Le début de mon calvaire a commencé avec les mini pédales du vélo et mes baskets glissantes, les cyclistes un tant soit peu sérieux ont un système spécial pour les pédales et des chaussures adaptées pour les utiliser. J’ai déjà fait du vélo, mais avec des pédales normales : longues et larges, je croyais savoir pédaler, mais ce matin je me suis trouvé déstabilisé. M a essayé de m’expliquer comment placer mon pied, mais ça m’a pris un moment pour pouvoir le comprendre, et ceci pour deux raisons :

  1. j’étais en train de pédaler, mon équilibre était précaire, je faisais un minimum attention au chemin, donc M n’avait pas toute mon attention. Quand on veut faire passer de l’information, il faut interrompre l’ activité de l’apprenant, l’activité extérieure comme l’intérieure : le sortir de ses préoccupations. On ne peut pas faire deux choses à la fois.
  2. Les explications de M étaient très claires…. Pour lui. Comme tout le monde il vit dans un univers parallèles, univers avec un cadre de référence et une logique qui lui est propre. Le problème c’est que ce qui est évident pour M ne l’est pas pour moi. Dans mon univers « la droite » n’a rien avoir avec « la droite de M », surtout quand il est en face de moi.   Un communicant doit savoir adapter son discours, viser une langue objective, universelle  qui puisse être comprise par la subjectivité de chacun (par exemple : un schéma vaut mieux qu’un long discours).

Je suis un adulte, j’aurais du prendre sur moi, demander à s’arrêter, demander à M de reformuler son explication. Sacrés bourbier, soi c’est moi qui suis un âne parce que je ne comprend pas ou lui un type qui ne sait pas parler, alors je me tais et je pédale, le problème lui demeure (vive la pensée binaire !!!) Certes j’ai pleins d’excuses, mais si un adulte n’est pas capable de se comporter de manière rationnelle, qu’est ce qu’on peut attendre d’un adolescent ?  Par moment il faut guetter les signes d’incompréhension, reprendre en variant le vocabulaire et la présentation, instaurer un climat ou l’on puisse poser des questions sans se sentir pris au piège.

 

Quand je me suis trouvé embourbé, j’en ai voulu à M de ne pas m’avoir prévenu, de ne pas m’avoir donné les clefs pour éviter cet écueil. De son côté c’était évident qu’il n’était pas malin de se jeter dans la vase. Année après année on apprend les mêmes choses aux élèves, on leur propose le même genre d’exercice, on sait a ce qui risque (ou pas) de leur poser problème. On peut adopter différents types d’attitude

  1. on peut laisser les élèves en activité se confronter au problème, y réfléchir et peut être le dépasser. L’idée c’est de les confronter aux limites actuelles de leurs connaissances de provoquer un questionnement, une réceptivité pour un enseignement à venir.
  2.  On peut aussi aborder le problème et sa solution lors d’une explication avant même que les élèves y soit confrontée.

Il me semble dangereux de leur proposer un nouveau piège, une difficulté inédite lors d’une évaluation, qui plus est sans les prévenir, ils peuvent le vivre comme une rupture de contrat, un coup en traître. Les contrôles sont fait pour évaluer la capacité des élèves à utiliser leurs cours et les techniques vues en classe, si on veut aussi évaluer leur capacité d’adaptation et leur créativité (ce qui est louable), il faut qu’ils en soient prévenus.  

 

Le sentiment d’échec et sa gestion.

            Je parle d’un sentiment d’échec, et non d’échec tout court, car a mon avis ça n’existe pas, quand on agis on obtient des résultats, et ces résultats sont des indicateurs, ils sont la pour nous permettre de voir ou nous en somme, et si nous maîtrisons telle ou telle compétence dans un cadre précis. Devant un résultat faible, on peut adopter plusieurs attitudes :

  1. être contrarié, mais avoir suffisamment de ressort pour analyser les faiblesses et démarrer un travail de remédiation pour en venir à bout.
  2. Tristesse, Désarrois, honte, colère, dégoût, découragé etc et pour finir indifférence. A mesure que les mauvais résultats s’accumulent l’apprenant se sent de moins en moins en mesure gérer la situation, la seule position tenable est le retrait, car pour lui tant qu’il y a de l’intérêt il y a de la souffrance.

            Ce sentiment d’échec est tout bonnement intolérable, il est extrêmement destructeur pour l’apprenant et pas seulement de l’intérêt pour la matière, mais il s’en va raisonner avec tous les mauvais souvenirs, les paroles qui ont pu échapper à ses parents alors qu’ils étaient énervés, ces de la nourriture pour ses démons personnels.

            Il est important que le professeur remette les notes dans leur contexte. Ce ne sont que des indicateurs, des occasions de progresser, il n’y a rien de définitif, rien de figé. Il est important qu’ils aident les élèves à ne pas s’identifier avec leurs résultats, ils ont des compétences et des difficultés à un moment donné, c’est quelque chose qu’ils ont pendant un temps (le succès ça s’entretient !) , mais qu’ils ne sont pas. Donc attention aux commentaires à l’oral ou sur les copies, il faut ronger son frein, neutraliser cette amertume de ne pas être entendu.

            Je crois qu’il va aussi découper nos matières, nos chapitres en compétence, au moins au moment du commentaire. Ce dire je suis nul en VTT ou « pour l’instant j’assure bien sur le bitume en plat et en descente, par contre pour les montées j’ai beaucoup de peine, sur les chemins, je suis efficace mais j’ai du mal à garder mon équilibre lorsque je ralentis trop, en terrain boueux je suis lamentable » ce n’est pas du tout la même chose. Avec la deuxième formulation j’ai un diagnostique, j’ai de quoi me fabriquer un petit plan pour m’améliorer. Si l’apprenant a une vision claire de ce qui ne va pas dans sa démarche il y a plus de chance qu’il agisse de manière constructive et qu’il ne balance pas le bébé avec l’eau du bain.

            Les parents ont aussi une grande responsabilité, je discutais management et motivation avec un ancien cadre de l’automobile, et pour lui une clef pour faire réussir que l’on soit manager ou parent (et donc par extension professeur) c’est le management positif : ne pas faire de reproche, encourager le bon, et aider à progresser, tout ça sans angélisme, il ne s’agit pas d’être laxiste.

VTT et Pédagogie

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